Articles sur Max Pinchard
Au jour le Jour

Informations :
Auteur : Alexandre Vernon
Publication : Le Havre libre
Contenu :
Havre Libre : jeudi 30 juillet 1998
AU JOUR LE JOUR
Portrait
Max Pinchard : un musicien toujours à l’écoute des hommes
Toute sa vie, le musicien et compositeur Max Pinchard, né au Havre le 21 juillet 1928, est resté à l’écoute de Dieu et des hommes, et encore aujourd’hui, sur les hauteurs de Grand Couronne où il habite, il continue de capter les ondes cosmiques qui lui viennent du vaste univers tandis qu’il entend résonner les cris et les pleurs de notre humanité souffrante.
Et ce sont ces voix en cacophonie qui font vibrer sa corde sensible, voix dont il extrait la quintessence pour en faire sa musique, comme un message d’amour et d’espérance.
Alors que les musiciens havrais s’apprêtent à lui rendre un hommage particulier au Havre même, sa ville natale, au cours d’un concert public au mois de novembre prochain, à l’occasion de son 70 e anniversaire, ce compositeur ardent, créateur indépendant qui n’obéit qu’aux élans de son cœur, s’est arrêté un moment pour regarder en arrière.
D’autant plus qu’il se remet doucement d’une grave attaque cérébrale qui l’a immobilisé pendant de longs mois. Nous l’avons rencontré dans son pavillon « Bel Horizon », souriant, avenant avec dans ses yeux cette flamme toujours aussi vive, impérieuse. « Je reprends goût à l’écriture musicale, nous dit-il, mais à petite dose car je fatiguer encore assez vite. En réalité, la musique ne m’a jamais quitté, même pendant les pires moments. Je suis, en effet, en imprégnation permanente de la musique dans une démarche essentiellement spirituelle, cela va de soi ». Car pour ce croyant la recherche du sacré passe obligatoirement par Dieu.
Le lyrisme de la mer
Depuis qu’il a commencé à composer, c’est-à-dire vers l’âge de 11-12 ans, alors très influencé par Chopin et Fauré, c’est la nature qui a inspiré ses premières notes de musique. D’abord dans cette ambiance familiale qui était la sienne, très musicienne avec un père professeur de clarinette, ensuite dans cette proximité de la mer qui lui a donné cette force du dépassement de soi et ce goût inné du rythme et de ma mesure ; qui l’a poussé également dans la voie du lyrisme vers un idéal transcendant de lumière et de foi.
« Dès mon plus jeune âge, je savais que la musique était ma voie. J’ai appris la clarinette et le piano, et, pendant la guerre, je me suis mis à l’orgue. J’ai même été organiste à l’Eglise Saint Vincent de Paul du Havre. C’est là que j’ai connu l’abbé Alexandre, et je le revois non sans émotion avec son casque blanc de D.P. sur la tête. J’ai été élève au Lycée François 1er et c’est dans ce même lycée que j’ai enseigné la musique pendant vingt ans, de 1952 à 1972 comme professeur d’éducation musicale »
La voie de l’enseignement.
A l’écoute des autres, cela a toujours été sa motivation profonde. C’est pourquoi, si la musique a été souveraine en lui dans ses résonances intérieures, extérieurement, l’enseignement de la musique a toujours été sa grande préoccupation. Donner aux autres, porter un regard sur ses semblables, ses frères, c’est pour cet artiste une attitude normale, essentielle. Il a donc continué l’enseignement au Conservatoire Régional de Rouen, donnant des cours d’histoire de la musique.
Puis il fut nommé directeur de L’Ecole de Musique de Saint Etienne-du- Rouvray, et peu de temps après, directeur de L’Ecole Nationale de Musique de Grand Couronne jusqu’à sa retraite en 1992. Ce qui ne l’a pas empêché de donner de nombreux concerts comme chef d’orchestre, de faire partie du Conseil Economique et Social de Haute Normandie, président la commission culturelle, d’écrire de nombreux articles sur la musique dans plusieurs revues spécialisées comme « Diapason», d’être président de « L’Affiche culturelle de Normandie », et, surtout, surtout, d’écrire de la musique, d’exprimer par la musique les grandes idées qui le hantent , qui l’empoignent, par un lent travail de création.
La création musicale : un acte d’amour
« Mon premier maître fut Albert Beaucamp, qui fut directeur du Conservatoire Régional de Musique de Rouen. Avec lui, j’ai appris l’écriture, l’harmonie, le contrepoint et toute la base, même davantage, du métier de compositeur. En 1959, (1957, correction de la rédaction), je rencontre le compositeur Georges Migot à Paris, un compositeur de grande classe. C’est avec lui que j’ai trouvé ma voie, lui qui m’a tant apporté, en technique et en expression. Pendant vingt ans nous avons travaillé ensemble et il a été mon maître de cœur. Il était protestant, mais nos affinités, nos croyances étaient les mêmes ».
Parlant de ses préférences musicales contemporaines, Max Pinchard nous cita Honegger en premier, qui est pour lui un véritable monument de la musique, la référence incontournable. « J’aime aussi Alban Berg pour son lyrisme et André Caplet pour son « ménisme» (ses mélismes, correction de la rédaction) sa courbe mélodique et pour son engagement religieux, son « Je crois en Dieu ». J’ai également une grande admiration pour Dutilleux, admiration qui date de 1960 quand il était directeur des services de l’illustration de l’ex ORTF ».
Une musique comme une prière.
Max Pinchard, musicien, compositeur, musicologue, critique musical, professeur, chef d’orchestre, est une personnalité marquante de la vie culturelle de notre temps. Ses œuvres musicales et aussi ses écrits sont là pour en témoigner. Sa musique de chambre, ses poèmes vocaux, ses oratorios, et on n’a pas oublié l’admirable « Sainte Unité de Trois » et son poignant « Ainsi naitra un chœur d’enfants », sans oublier sa « Courbe des saisons », un véritable hymne à la Nature, chantent et continueront de chanter dans toutes les mémoires, parce que ces musiques sont de toute fraternité, parce qu’elles s’adressent directement à Dieu.
Le concert en l’hommage de Max Pinchard se déroulera au mois de novembre à la Cathédrale du Havre, avec le concours de l’Orchestre de Chambre de Grand-Couronne, la chorale André Caplet et l’Orchestre et la chorale de Grand-Couronne, avec la participation chantée, sous la direction probable de Frédéric Aguessy, à moins que lui-même puisse quand même diriger quelques morceaux.
« Un concert qui sera une prière », nous a spécifié Max Pinchard, avec au programme une œuvre de J.S. Bach et, de lui-même : un quatuor à cordes, un « Magnificat » pour chœur et orchestre, une pièce pour violoncelle et orgue et «la Courbe des Saisons », oratorio pour solistes, chœurs et orchestre …
Alexandre Vernon.